Nathalie Desmasures
Geotrichum candidum, réservoir d’arômes
Nathalie Desmasures, de l’Université de Caen, présente son intervention sur Geotrichum Candidum dans le cadre de la conférence « Plus de goût et de typicité ».
Depuis plusieurs années, Geotrichum candidum a tendance à être associé à Penicillium camemberti, voire à s’y substituer totalement sur des fromages à croûte fleurie. Pourquoi ?
ND : Geotrichum candidum est une levure qui peut permettre de contrecarrer les défauts d’amertume liés à l’activité protéolytique parfois déséquilibrée de Penicillium camemberti. Quand les deux levains sont associés, Geotrichum a la propriété de dégrader les peptides amers générés par Penicillium. On est ainsi capable d’obtenir un niveau de goût plus reproductible et plus acceptable.
Quand il est utilisé seul, et selon la souche utilisée, son activité protéolytique peut aboutir à un résultat différent : celle-ci génère de nombreux composés aromatiques, et a tendance à solubiliser la pâte, entrainant une coulure sous croûte... Il y a ainsi un peu plus de dix ans qu’on l’utilise seul sur des fromages type camembert. La pratique est beaucoup plus ancienne sur les chèvres.
Quelle est la palette aromatique des Geotrichum candidum ?
ND : Elle est très large. Ils ont la capacité de générer une grande diversité de composés aromatiques volatils, issus de la dégradation des acides gras libres du fromage ou des acides aminés : des composés soufrés, des méthylcétones (notes fruitées, florales, herbacées…), des esters, des alcools… Lors d’essais récents que nous avons effectués en puisant dans notre souchothèque, qui comporte plus d’un millier de Geotrichum, nous avons pu détecter des arômes de violette, de cacao…
C’est une espèce particulièrement riche ?
ND : Oui, elle va des Geotrichum de morphotype moisissure, plutôt blancs et feutrants, jusqu’aux Geotrichum de morphotype levure, avec des croûtes plus humides de couleur crème, avec toutes les variantes intermédiaires. Certains Geo. ont une activité protéolytique très forte, d’autres plus faible. Selon les souches choisies, ils peuvent permettre d’obtenir un croûtage fin et délicat, c’est le cas du pérail par exemple, avec une protéolyse forte qui se traduit par une pâte coulante sous croûte, comme pour les briques.
Quels sont les pièges à éviter ?
ND : Il faut éviter que Geotrichum ne colonise tout le terrain, grâce à sa vitesse de croissance élevée. Les leviers à actionner pour limiter son développement et permettre à d’autres agents d’affinage de s’installer sont notamment le sel et l’abaissement de température. Mais cela peut être un aussi un atout : en couvrant rapidement le fromage, le Geo. peut empêcher l’implantation de microorganismes non désirables, comme des mucors.