Bruno Mathieu
« Préserver les écosystèmes sauvages »
Responsable laboratoires et maîtrise sanitaire au Syndicat du reblochon (SIR), Bruno Mathieu présente la souchothèque de l’appellation savoyarde.
Que contient votre souchothèque ?
Des ferments prêts à l’emploi, bien adaptés à la technologie du reblochon. Nous disposons à la fois de ferments sauvages et de ferments commerciaux. Nous avons au total une collection de 400 souches (ferments lactiques, flores d’affinage, levures, Geotrichum…). Mais, pour l’instant, nous ne proposons que quatre souches de thermophiles, deux souches de mésophiles, ainsi qu’un Geotrichum commercialisé par l’intermédiaire du LIP d’Aurillac
A qui est destinée cette souchothèque ?
Uniquement aux opérateurs de la filière reblochon (600 producteurs de lait, 130 fermiers, une dizaine d’affineurs, une vingtaine de laiteries). Dans les faits, ce sont surtout les fermiers qui la sollicitent. Nous commercialisations 5 000 litres de ferments par mois. Le décret de l’AOP n’impose pas d’y recourir.
Comment a été constituée cette souchothèque ?
Elle a été bâtie à partir de la fin des années 80, quand ont commencé les discussions sur les normes d’hygiène européennes (directive 9246). Nous redoutions, sous l’effet de la pression sanitaire croissante, un appauvrissement des écosystèmes sauvages. Nous avons pris pour source six producteurs fermiers qui travaillaient sans ferments du commerce, avec des souches endogènes. Nous avons analysé l’herbe, le foin, le lait, etc. Par la suite, nous avons effectué deux autres campagnes de prélèvement chez des affineurs.
Pourquoi proposer également des souches commerciales ?
Parce que notre gamme n’est pas suffisante pour satisfaire tous les opérateurs. Chez 20% d’entre eux, un chiffre qui semble être une constante pour toutes les souchothèques, nos ferments ne fonctionnent pas. Nous achetons aux laboratoires commerciaux les souches lyophilisées que nous cultivons et conditionnons en seaux de ferments prêt à l’emploi.
Pour le reste, nous produisons nous-mêmes les ferments en partenariat avec l’Enil de la Roche-sur-Foron et Actalia, avec l’appui d’Agroscope. Nous avons développé nos propres milieux de culture et investi dans un fermenteur de 200 litres. Il nous a fallu trente ans pour bâtir cette offre.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Nous avons lancé des travaux de recherche sur des souches ayant une activité bactériostatique anti-staphylocoques et anti-Listeria, qu’il nous reste à tester en termes de compatibilité technologique avant une éventuelle commercialisation. A long terme, nous aimerions mutualiser l’ensemble des collections savoyardes. Nous nous sommes déjà rapprochés de la tomme de Savoie avec une mise en commun des lactobacilles Bulgaricus.