Choreh Farrokh
« STEC : des nouvelles moins alarmantes »
Choreh Farrokh, chef du service sécurité sanitaire au Cniel, fait le point scientifique et réglementaire sur le risque STEC.
Fin 2014, la France était très inquiète au sujet du projet de lignes directrices européennes sur les STEC. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
La 4e version de ce projet, en date d’octobre 2015, est moins alarmante. Elle est beaucoup plus souple, intègre la notion du niveau d’’incertitude scientifique sur la pathogénicité des souches et laisse à chaque Etat membre le soin de définir le danger STEC.
Au départ, l’Europe se basait uniquement sur la seule présence de souches isolées d’E.coli porteurs du gène de virulence stx+. Ce qui rendait non conformes, selon nos estimations, environ 10% des fromages au lait cru. Or nous savons désormais que le caractère pathogène de ces STEC est lié non seulement à la présence du gène stx mais aussi à d’autres facteurs : appartenance aux 5 stéréotypes majeurs considérés comme « hautement pathogènes », et présence simultanée de gènes de virulence spécifiques… En réunissant ces facteurs, nous estimons le pourcentage de non-conformités de 1% à 4% selon les fromages.
On ne parle donc plus d’harmonisation européenne ? Des Etats-membres vont pouvoir déclarer non conformes des produits français selon leurs propres critères ?
C’est déjà le cas de la part de pays comme l’Allemagne ou la Belgique. De facto, nous sommes revenus au point de départ lorsque chaque Etat définissait sa propre politique, les STEC n’étant pas cités dans les critères microbiologiques définis au niveau communautaire.
Quelle est donc la réglementation en France ?
Le règlement européen 178/2002 stipule qu’aucune denrée alimentaire n’est mise sur le marché si elle est dangereuse. Toutefois, aucun critère microbiologique n’a été défini au niveau européen. Par contre, le « Guide de gestion des alertes » de la DGAL définit dans son annexe n°11 la gestion des alertes pour le danger STEC, avec la définition des 5 sérotypes hautement pathogènes. L’exploitant étant tenu responsable de la qualité sanitaire de ses produits et les STEC représentant un danger potentiel, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour commercialiser des produits sûrs.
Concrètement, quel plan d’échantillonnage mettre en place ?
Les chercheurs doivent encore progresser pour apporter une réponse pertinente. Le problème est que la prévalence des STEC est très faible dans les fromages : sur un même fromage, on peut détecter des STEC d’un côté, et pas de l’autre. Les chercheurs sont en train de travailler par la modélisation et l’approche « Appréciation quantitative des risques ». La croissance des STEC est déjà modélisée dans les fromages pour les principales technologies, mais il nous faut aussi connaître la prévalence précise des STEC dans le lait. C’est un travail long et complexe, il nous faudra peut-être encore deux ans pour évaluer la pertinence des plans d’échantillonnage et faire des recommandations.
Nos connaissances scientifiques ont-elle progressé ?
Trois projets de recherche sont en cours sur la pathogénicité des STEC. Mais ils ne sont pas encore complètement aboutis.. Reste qu’en termes d’épidémiologie, aucun cas de maladie lié à la consommation de fromages n’a été signalé depuis 2004.
Qu’en est-il de la gestion des alertes ?
Elle est parfaitement codifiée, via « le guide de gestion des alertes » accessible sur le site de la DGAL. Pour tout résultat d’analyses confirmées par le Laboratoire national de référence (le LNR de Lyon), indiquant la présence d’E.coli STEC considérés comme hautement pathogènes ou d’E.coli AEEC des mêmes sérotypes, il faut notifier aux autorités la non-conformité, procéder au retrait et/ou rappel des produits selon les recommandations de la DDPP, puis procéder à des analyses complémentaires sur les lots environnants (2 lots avant et 2 lots après).