Pascal Vimien
Moulage, le choix des armes
Table de pré-pressage, soutirage sous vide, mouleuse… : responsable process fromagerie chez Chalon Mégard, Pascal Vimien interviendra sur l’optimisation des écarts-type au moulage.
Quels sont aujourd’hui les outils les plus efficaces pour le moulage ?
PV : Globalement, si l’on se fonde uniquement sur le critère de l’écart type et du rendement, les mouleuses offrent de meilleurs écarts types que tous les autres systèmes, que l’on soit en pâte molle (on parle de mouleuses « doseuses ») ou en pâtes pressées (mouleuse « tubulaires »).
La mouleuse est ainsi bien plus performante qu’un bac de pré-pressage au niveau des écarts types, et permet aussi une mécanisation plus facile de la mise en moule automatique des fromages.
Mais ce n’est pas le seul critère à prendre en compte : le choix du matériel de moulage le plus adapté pour une fromagerie, dépend aussi du type et du nombre de produits fabriqués. La performance du système de moulage choisi est aussi dépendante des matériels périphériques installés dans la fromagerie.
Commençons par les gros formats…
PV : La solution la plus adaptée pour les fromages de 40 à 100 kilos, essentiellement des pâtes pressées cuites, est constituée par les groupes de soutirage sous vide (GSV). Le pompage classique par pompe à caillé, favorise en effet les risques d’ouverture mécanique et une répartition irrégulière des yeux. Le groupe sous vide préserve, lui, l’intégrité du grain.
Le soutirage et la répartition du caillé dans les moules se fait très rapidement, en 4 à 5 minutes, sans pompe, uniquement par le vide (sans altération des grains de caillé et avec une bonne répartition du mélange caillé/sérum dans les moules, de par un remplissage très court des moules).
Avec des groupes de soutirage sous vide, on atteint des écarts types de 1,5 à 3% du poids des fromages moulés, en fonction des configurations, sans isolement des cloches.
Et pour les pâtes pressées non cuites ?
PV : Le bac de pré-pressage est plus adapté pour du multi-formats. Son principal avantage est sa polyvalence. Il est assez facile de découper des pains de caillé de différentes tailles dans un bac. Pour une mouleuse tubulaire, c’est plus compliqué. Il faut soit changer le faisceau tubulaire à chaque changement de format, ce qui engendre des temps d’arrêt de production qui peuvent être longs. Soit investir dans une seconde mouleuse, pour une usine bi-formats. Mais à partir de trois ou quatre formats différents, cela devient ingérable, et le bac de pré-pressage est plus avantageux dans ce cas.
Le travail en bac de pré-pressage se fait en moulage discontinu ; la configuration des fromageries avec ce type de matériel implique en général des cuves de grosses capacités (10 000 à 18 000 litres). Plus on voudra faire de petits fromages et plus le bac sera de grande capacité, moins les écarts types seront bons.
Il existe tout de même des solutions pour améliorer la performance des bacs de pré-pressage : système de remplissage avec répartition automatique du caillé, mesure de la hauteur du pain de caillé par ultrasons associée à un découpage automatisé… Un bémol pour les bacs de pressage de grande taille : il est difficile d’avoir un pressage homogène à tous les endroits du bac.
Selon les configurations, les écarts types obtenus avec des bacs de pré-pressage sont entre 3 et 6% du poids des produits moulés. Avec des mouleuses, l’écart type est globalement meilleur, et le moulage se fait en continue, avec des cuves de plus petites capacités.
Quelles sont les prochaines innovations prévisibles ?
PV : L’une des marges de progrès à l’avenir sera d’améliorer les écarts type en début et en fin de moulage sur les mouleuses. En effet, si on exprime l’écart type en fonction d’une cuve complète, on se situe en général entre 3 et 4% du poids nominal. Mais si on enlève les 10 premiers % et les 10 derniers, l’écart type se situe entre 2,0 et 2,5% du poids des fromages moulés, pour les 80% du moulage d’une cuve, selon les configurations.
Nous travaillons actuellement sur l’amélioration de ces points sur la régulation de nos prochaines mouleuses, malgré leurs performances actuelles, afin de continuer à diminuer les écarts types au moulage, qui reste une des préoccupations des fromagers.
Vous soulignez également le poids de l’environnement.
PV : En effet, le fromager n’a pas toujours le choix. Pour des raisons de configuration de son atelier, pour des raisons économiques, de multi-formats, de place, etc., il ne peut parfois se permettre, par exemple, de changer ses cuves.
Ensuite, il faut tenir compte des éléments périphériques, tel que le brassage en cuve : le mélange caillé-sérum qui arrive dans la mouleuse doit être le plus homogène possible pendant tout le temps du moulage. Ou bien veiller à avoir des temps de moulage optimaux : sur les pâtes molles, il ne faut pas dépasser 10 à 15 minutes et sur les pâtes pressées, 20 à 30 minutes. Sinon, on enregistre des différences d’extrait sec importantes entre le début et la fin du moulage.
Malheureusement, on trouve parfois, avec l’augmentation des capacités de production des ateliers, des utilisations avec des temps de moulage supérieur à 50 minutes sur des mouleuses, et là, les écarts types ne deviennent plus maîtrisables.