Sabrina Raynaud
Renforcer les défenses naturelles du lait
Sabrina Raynaud, de l’Institut de l’Elevage, procédera à un panorama des nouvelles stratégies pour lutter contre le risque sanitaire de contamination du lait par des bactéries pathogènes en élevage.
Quelles sont les pistes nouvelles les plus prometteuses ?
SR : Des travaux sont en cours sur des probiotiques (microbes vivants) et prébiotiques (composé alimentaires pouvant favoriser les « bonnes » flores digestives) que l’on pourrait intégrer à l’alimentation des animaux ou sur des vaccins. L’objectif est notamment de diminuer l’excrétion fécale de certaines bactéries pathogènes. Certains réfléchissent sur la pulvérisation de microflores spécifiques dans les environnements et sur les litières pour « occuper le terrain », sur l’utilisation de bactériophages à donner aux animaux, sur des flores de bioprotection à ajouter dans le lait ou encore sur des solutions permettant de diminuer l’excrétion fécale de STEC par les animaux…
Malheureusement, les travaux scientifiques permettant de valider l’efficacité et l’innocuité de ces pistes manquent encore et certaines d’entre elles ne sont pas autorisées par la réglementation en Europe.
Où en est-on de l’appréhension du risque sanitaire dans le monde fromager ?
SR : En filière lait cru, mais aussi en pasteurisé, la démarche préventive reste la clef et la base de tout. Les filières lait cru sont fortement engagées dans la prévention des contaminations par les pathogènes et plusieurs d’entre elles ont renforcé et restructuré leurs programmes préventifs en élevage au cours de ces dernières années. C’est un sujet crucial si l’on veut pouvoir continuer à consommer des produits au lait cru à l’avenir. De nombreux travaux de recherche sont en cours, les connaissances progressent sur le lien entre pratiques d’élevage et risque sanitaire et sur le rôle protecteur de certains écosystèmes microbiens de la ferme et du lait cru.
Comment sécuriser l’amont ?
SR : En observant de bonnes pratiques tous les jours : lutter contre les contaminations fécales, avoir des animaux propres et en bonne santé, des trayons secs, des bonnes pratiques à la traite, une alimentation saine et équilibrée… Il ne faut pas laisser croire qu’une poudre de perlimpinpin permettra demain de régler le problème des pathogènes. Il ne faut pas laisser croire non plus que transformer les élevages en salle blanche soit une réponse, on risque même de majorer le danger !
Les axes de recherche portent donc sur la façon dont les pathogènes arrivent dans un élevage ou dans une zone géographique donnée puis contaminent l’environnement, sur les raisons qui font qu’un animal devient porteur et les mesures qui permettent de diminuer ou d’éliminer ce portage. Il faut réfléchir en termes de barrières successives : prévention de l’arrivée de pathogènes dans l’élevage, prévention de leur circulation dans l’élevage, prévention de leur passage dans le lait.
Les progrès des méthodes d’analyse sont-ils porteurs d’espoirs ?
SR : Là aussi, beaucoup de travaux sont en cours. Grâce à la biologie moléculaire et à la génomique, on va mieux arriver à identifier les bactéries pathogènes et leur cheminement, ainsi que le rôle protecteur des écosystèmes microbiens dont elles font partie. Mais, encore une fois, les analyses d’échantillons en bout de chaîne ne permettent pas seules de gérer le risque sanitaire. L’Europe privilégie, à juste titre, avec les démarches de Bonnes Pratiques d’Hygiène en élevage (et HACCP en transformation), une approche préventive de la gestion des risques.